Le développement personnel a beau continuer à faire fureur, au point d’avoir contaminé jusqu’au monde du travail, le réel bien-être professionnel ne semble hélas toujours pas d’actualité.
Obligation de rendement, compétition malsaine, présentéisme, manque de considération et de soutien par la hiérarchie… Mènent plus vite qu’on y croit au burn-out et donc, à l’opposé du but recherché par ces méthodes, à l’impossibilité totale de travailler.
Prendre soin de soi au travail n’est guère dans l’air du temps, pourtant c’est tout aussi urgent.
Notre monde semble bien peu bienveillant envers les travailleurs de tout bord, du moins ceux qui restent éloignés du haut de l’échelle. Il faut montrer qu’on est là, qu’on travaille autant voire plus que les autres, déborder sur les horaires souvent sans rémunération associée, et, surtout, avoir l’air surmené en permanence… Le monde du travail tourne vite et le salarié doit suivre, parfois au prix de sa santé tant physique que mentale. Pourtant, il n’est plus à démontrer qu’un environnement professionnel favorable et de meilleures conditions de travail sont bénéfiques, bien entendu, au bien-être des salariés et à un bon équilibre entre leurs vies personnelle et professionnelle, mais également à leurs performances — le recours croissant au télétravail depuis la crise du Covid-19 le prouve également.1
Pourtant, certains parlent encore pompeusement de « la valeur travail » ; beaucoup rationalisent cette activité parce qu’elle est généralement nécessaire à la survie et que l’esprit humain a besoin de penser que ses actes, surtout quand ils occupent une si grande proportion de son temps, ont un sens quitte à tomber dans un biais de confirmation. Mais questionne-t-on suffisamment cette vieille obsession ?
Bien qu’il existe des vocations, même la passion ne suffit pas à l’épanouissement : combien d’infirmiers brisés, de professeurs éreintés, d’éducateurs lessivés ? Il n’est pas anodin que le mot « travail » lui-même définisse la souffrance et les douleurs de l’accouchement et signifie étymologiquement « fatigue », « peine » et « entrave »2, rappelant l’exploitation des bêtes de somme jusqu’à épuisement. Que l’on peut également dire que quelque chose de mentalement difficile nous « travaille »…
Malgré tout, conditionnés de longue date par une vision transmise de génération en génération, nous restons bien souvent aveugles aux leçons à tirer de ces considérations. Comment se protéger des graves débordements de cette hyperactivité socialement exigée ?
La définition du burn-out, mot anglais traduit par « épuisement professionnel » en français, peine encore à faire consensus et complique ainsi l’établissement de statistiques à son sujet. Selon la CIM-11, il se définit comme suit :
« L’épuisement professionnel est un syndrome conceptualisé comme résultant d’un stress professionnel chronique qui n’a pas été géré avec succès. Il se caractérise par trois dimensions :
des sentiments d’épuisement ou de fatigue ;
une distance mentale accrue par rapport à son travail, ou des sentiments de négativisme ou de cynisme liés à son travail ; et
un sentiment d’inefficacité et de manque d’accomplissement.
Le burn-out se réfère spécifiquement à des phénomènes dans le contexte professionnel et ne devrait pas être appliqué pour décrire des expériences dans d’autres domaines de la vie. »3
Il est à noter que le burn-out parental existe également4 et touche les parents d’enfants neuroatypiques comme neurotypiques. Nous parlerons ici indistinctement des deux — il suffit de remplacer « salarié » par « parent », « au travail » par « à la maison » et ainsi de suite.
Le programme MCP (Maladies à caractère professionnel), mis en place par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Inspection médicale du travail (IMT), a démontré que la souffrance psychique en lien avec le travail chez les salariés s’élevait à 3,1 % chez les femmes et 1,4 % chez les hommes en 2012 et accusait une augmentation depuis 2007.5
Le monde du travail actuel est peu propice à l’épanouissement personnel comme professionnel. Les facteurs de risques psychosociaux comme « les nouvelles organisations, la promotion de la performance, la mise en concurrence des individus, la fragilisation des collectifs de travail, la précarité »6 sans compter les exigences du travail notamment en termes émotionnels, le manque d’autonomie, de soutien social et de reconnaissance au travail, les conflits de valeurs et l’insécurité de l’emploi7 altèrent la santé mentale des individus.
Une combinaison de ces critères peut conduire un individu à développer des symptômes de burn-out, à savoir à la fois une fatigue constante, émotionnelle comme mentale (avec une perte de motivation et des difficultés de concentration), des troubles du sommeil et de l’humeur, des risques cardiovasculaires, des douleurs chroniques, des difficultés relationnelles, une perte importante d’estime de soi, un blocage de l’empathie avec un détachement excessif qui peut provoquer de la culpabilité et un repli sur soi…8
Ces symptômes ne sont pas à prendre à la légère et nuisent au fonctionnement global de la personne de diverses manières. Ils sont spécifiques en cela qu’ils disparaissent pendant les périodes de vacances, contrairement à ceux de la dépression, par exemple, avec lesquels ils peuvent être confondus.
Afin de prévenir l’apparition d’un syndrome d’épuisement professionnel et de préserver votre santé, vous pouvez mettre en place un certain nombre de barrières :
Si vous êtes en souffrance dans votre vie professionnelle, n’hésitez pas à en parler en premier lieu à votre médecin du travail, et à votre médecin traitant s’il s’agit plutôt de votre vie familiale. Par ailleurs, un professionnel de la santé mentale, psychiatre ou psychologue, peut vous aider. Il peut être difficile de changer dans l’immédiat vos conditions de travail ou de vie mais parfois, quand l’environnement professionnel ne risque pas de s’améliorer rapidement ou du tout, alors un arrêt maladie voire un départ peuvent être nécessaires et même salutaires… bien que le burn-out rende cette idée insupportable à bien des personnes, qui craignent pour leur image, leurs relations ou leur salaire ou culpabilisent de lever le pied. Cela fait partie des symptômes…
Quoiqu’il en soit, en laissant le burn-out s’installer, on obtient le résultat inverse de celui escompté : on perd le contrôle de sa vie et une fois brisé, un être humain ne peut plus travailler du tout. Parfois (et ce dans tous les domaines), il vaut mieux faire une pause pour pouvoir continuer à être efficace. Il est donc extrêmement important de traiter un burn-out, qu’il soit déjà en place ou en cours d’apparition, car les conséquences sur votre santé voire votre vie peuvent être extrêmement graves à court, moyen et long terme. Il faut demeurer attentif aux signes et prendre les mesures nécessaires pour le prévenir et le gérer avant qu’il ne devienne extrêmement difficile à traiter.
Si vous pensez souffrir d’un burn-out ou en être proche, n’hésitez pas à demander de l’aide.
CIM-11 pour les statistiques de mortalité et de morbidité (version 01/2023) ↩︎
Sánchez-Rodríguez et al., 2019 : Revue de la littérature relative au burnout parental. ↩︎
Khireddine et al., 2015 : La souffrance psychique en lien avec le travail chez les salariés actifs en France entre 2007 et 2012, à partir du programme MCP ↩︎
Santé publique France, 2021 : Souffrance psychique et épuisement professionnel ↩︎
Gollac & Bodier, 2011 : Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser ↩︎