« On me traite de paresseux
parce que je procrastine… »« Je suis désolé
, j’ai décroché de la conversation ! »« J’arrive pas à m’y mettre avant le dernier moment… »
« Je ne sais pas pourquoi je me suis énervé
comme ça. »« Pardon, je t’ai encore coupé la parole. »
« J’étais dans la lune, j’ai pas fait attention… »
« Où sont encore passées mes lunettes ? »
Si vous vous reconnaissez dans certaines de ces phrases, il pourrait être intéressant de parler à un professionnel du TDA/H .
Zak, jeune adulte fringuant, enchaîne les problèmes depuis plusieurs années.
Au boulot, c’est compliqué : ses collègues l’adorent, il a le souci du détail et ne compte pas ses heures, mais il travaille trop lentement au goût de son patron, et bien souvent il est distrait par le moindre bruit dehors, le moindre passage dans le couloir… Alors il perd son fil, prend du retard, accumule les erreurs d’inattention, et les soucis empirent.
À la maison, n’en parlons pas ! Tant à faire, et si peu de temps… Ses parents venus le voir à l’improviste secouent la tête en regardant le désordre qui règne chez lui malgré toutes les habitudes qu’ils ont tenté de lui inculquer depuis son enfance. Et il n’a toujours pas acheté cette étagère pour ses livres qui attendent depuis six mois dans leurs cartons, et il n’a toujours pas fait sa déclaration d’impôts, et puis il a le culot de s’emporter quand on le lui rappelle pour la quatrième fois… Ils ne le comprennent pas, le trouvent paresseux, dispersé, pensent qu’il ne fait aucun effort et n’écoute rien. Lui, il reçoit leur désapprobation comme un énième coup de poing : il sait bien qu’il doit le faire mais il n’y a pas que ça, tout s’enchaîne et ça fuse trop vite dans sa tête, ça ne se repose jamais.
Il tente d’expliquer que parfois il s’y met, mais que ça lui prend la tête et que l’autre fois un copain l’a appelé ou qu’il a eu faim et qu’il a décroché et oublié ensuite, que c’est toujours comme ça mais pas parce qu’il ne veut pas. Il essaye, mais ça lui sort de la tête. Il essaye toujours et ses parents croient qu’il s’en fiche, qu’il se moque d’eux peut-être. Qu’il n’y a pas de raison : il est loin d’être bête, et puis « on l’a bien éduqué en plus mais il faut toujours qu’on soit derrière lui à le pousser, rien à faire, il n’apprend vraiment pas ! » Même lui parler, c’est compliqué : il a l’air de trépigner, d’écouter à moitié, il part dans tous les sens quand il raconte quelque chose et il coupe la parole « comme s’il n’en avait rien à faire ».
« Tiens, tu sais pas la dernière qu’il nous a fait ? » Raconte sa mère à la voisine. « Il devait nous conduire à l’aéroport son père et moi, pour une fois qu’on lui demande quelque chose, c’est pas la mort quand même… Eh bien figure-toi qu’il a raté la sortie et qu’on a raté notre vol ! Et tout ce qu’il trouve à nous dire, c’est qu’il n’a pas vu le panneau, non mais j’te jure… C’est toujours la même histoire, c’est pourtant pas bien compliqué ! » Et la voisine de soupirer de concert : c’est vraiment pas une vie, d’avoir un grand enfant comme ça qui ne pense qu’à lui et ne fait attention à rien.
Zak reçoit les regards et les « coups de pied au cul » de ses parents et employeurs comme autant de preuves qu’il est vraiment nul, qu’il n’arrivera jamais à rien. En plus de ça, son père a encore insisté pour lui acheter un « bon » réveil puisqu’il a du mal à entendre le sien et se lève toujours en retard, et ça l’énerve, mais ça l’énerve ! Il ne veut pas envoyer balader son père si sèchement mais c’est plus fort que lui, ça fait comme un ballon brûlant qui éclate tout seul et le laisse sur les nerfs pendant des heures après, et ensuite il s’en veut pendant des jours. Et il se trouve encore plus nul, il ne fait jamais rien comme il faut… C’est comme avec la guitare, il a voulu s’y mettre parce qu’il adore ça mais au bout de quelques semaines, toute sa motivation a disparu, comme avec l’aïkido et cette Étoile de la Mort en Lego qu’il a construit pendant des mois et laissée en plan à deux doigts de la fin… Ou comme avec ses conquêtes : ses potes rigolent parce qu’il les enchaîne comme il fait avec les boulots, les shots et les paires de baskets. Qu’est-ce qu’il y peut, lui, s’il s’ennuie au bout de deux semaines, s’il a tout le temps besoin de changer, d’expérimenter et qu’il ne peut pas s’empêcher d’acheter plein de trucs et de toujours partir dans les excès ?
La plupart du temps, Zak se résigne juste à l’idée qu’il n’est qu’une « feignasse » sans volonté et ne remarque pas que certains de ses comportements, comme son habitude de toujours tripoter quelque chose ou d’avoir la jambe qui s’agite quand il est assis, ne sont peut-être pas si courants que cela. Et bien souvent, il rit jaune devant les séries qu’il dévore pendant des heures, jusqu’à en oublier d’aller aux toilettes, de dormir, de manger ou boire tant il ne voit pas passer le temps. Parce que quand il voit Jake Peralta (Brooklyn Nine-Nine) qui stocke des kilos de courrier dans sa baignoire sans jamais rien ouvrir, ou Barney Stinson (How I met your mother) qui s’agite devant un cours et bondit d’un sujet à l’autre comme un poulet sans tête, ou Bart Simpson (The Simpsons) qui fait tout ce qui lui passe par la tête sans réfléchir… Là, Zak se reconnaît un peu et il se sent moins seul.
Et vous, est-ce que la vie de Zak ressemble à la vôtre ?
Si tel est votre cas, même si vous, votre entourage voire des professionnels de santé attribuent vos difficultés actuelles à de l’anxiété, un manque de volonté ou une dépression par exemple, il pourrait malgré tout être intéressant de demander à un professionnel de la santé mentale d’effectuer avec vous un dépistage du Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H). La distinction entre ce trouble et bien d’autres, comme l’anxiété, est très souvent difficile à faire, car leurs symptômes sont similaires, voire s’alimentent mutuellement, et peuvent même se causer l’un l’autre : il n’est pas toujours évident de déterminer qui est l’œuf et qui est la poule, même pour un professionnel. Les symptômes peuvent varier d’une personne à l’autre ; toutefois, certains, comme la distraction et l’impulsivité, en sont assez typiques.
Le TDA/H est un trouble neurologique très courant qui touche 5,9% des jeunes et 2,5% des adultes à l’échelle mondiale, selon la Déclaration de consensus international de la Fédération mondiale du TDA/H.1 Ses causes sont encore mal comprises, mais peuvent notamment être héritées génétiquement ou inclure des facteurs environnementaux. Le trouble peut être à dominante inattentive, ou hyperactive, ou les deux, et affecte la vie quotidienne de bien des façons : en termes relationnels, professionnels, biologiques…
Ce n’est pas un choix ; les personnes atteintes ne peuvent pas « simplement se concentrer » ou « faire un effort », elles n’en ont pas les moyens, tout comme une personne malvoyante ne peut pas « mieux regarder » ou une personne atteinte d’une paraplégie ne peut pas « juste se lever ». Les conséquences peuvent être très handicapantes notamment en termes d’estime de soi, de maintien de relations stables, de santé et de difficultés financières. Ce trouble est d’ailleurs reconnu comme handicap et maladie invalidante, et peut faire l’objet d’un aménagement du travail, d’un accompagnement et/ou d’une indemnisation par le biais d’une démarche auprès de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées).
Il existe des traitements et stratégies et bien des personnes souffrant de TDA/H ont trouvé des moyens de compenser leurs difficultés afin de s’épanouir dans leur vie personnelle et professionnelle. Parmi les personnalités publiques qui sont dans ce cas, on peut citer les exemples d’Emma Watson, de Michael Jordan ou de Justin Timberlake.
Beaucoup de personnes non diagnostiquées ont également appris à vivre avec leur TDA/H en surcompensant certains comportements, en adoptant des stratégies conscientes ou inconscientes telles que planifier excessivement la moindre activité (quitte à se retrouver envahies de post-it ou de rappels), esquiver certaines activités ou procrastiner à outrance, afin d’éviter autant que possible les distractions et les impulsions ou encore d’utiliser le stress d’une limite temporelle approchante (une date de rendu de devoir, par exemple) comme « déclencheur » d’action, par nécessité. Cependant, ces stratégies peuvent conduire les concernés à se surcharger et entraîner de l’épuisement et de l’anxiété, voire un burn-out dans divers domaines. Il est donc important de comprendre le TDA/H et de recevoir un traitement adéquat pour gérer de manière efficace les symptômes et améliorer la qualité de vie.
Les interventions efficaces incluent les médicaments tels que la Ritaline ou le Concerta (la molécule active étant le méthylphénidate), ainsi que les thérapies comportementales et cognitives (TCC) en complément. Certaines personnes bénéficiant de ces médications comparent l’amélioration de leur quotidien à la première fois où l’on essaye des lunettes après avoir passé une vie entière à mal voir.
En somme, le TDA/H peut être comparé à une moto très puissante qui serait équipée de freins de vélo. Il rend très difficile de canaliser les pensées et les actions qui fusent continuellement. En revanche, avec les bons outils (des freins adaptés !) et une aide adéquate, une personne qui en est atteinte peut apprendre à contrôler son fonctionnement et à atteindre ses objectifs. C’est un défi difficile et constant, mais ce n’est pas une fatalité et cela peut par exemple permettre de découvrir un grand nombre de savoirs et d’activités différents, tout en développant la créativité grâce à l’inventivité que demande la gestion quotidienne des symptômes.
Le TDA/H ne peut être dépisté et diagnostiqué que par un praticien formé et qualifié. Si les patients sont les experts de leur propre vécu, les professionnels de la santé mentale restent les spécialistes du comportement humain, du psychisme et des méthodes d’accompagnement des troubles : il s’agit donc d’un travail d’équipe. Il est important de ne pas se fier aux auto-diagnostics ou aux tests en ligne qui ne peuvent remplacer une évaluation professionnelle.
Vous trouverez de nombreuses autres ressources portant sur le TDA/H chez l’enfant comme chez l’adulte sur le site de l’association TDAH France.
Si cet article vous a interpelé, n’hésitez pas à prendre rendez-vous.